Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
les forçats du mariage

c’est l’ennui qui me tuent ; il me faut le bruit, le mouvement, les dissipations et les plaisirs d’une vie mondaine. Vous le voyez donc, c’est ma nature qui est pervertie, mon imagination qui est dépravée, et non mon cœur, qui vous aime profondément, sincèrement, et qui souffre de vous causer un chagrin. Lorsque je pense à la douleur que vous éprouverez dans un moment, il se serre à me faire mal.

» Pauvre Étienne 1 Ah ! oui, je suis indigne de vous. J’embrasse vos genoux avec respect. Bon et cher cœur, pardonnez une dernière fois à votre Juliette, bien coupable, mais bien reconnaissante.

» Je vous dis au revoir, non pas adieu.

» Si j’arrive vivante, dès que je serai là-bas, je vous écrirai. »

Quand il eut achevé la lecture de cette lettre, Étienne, étourdi par le choc, resta quelques instants immobile, la prunelle fixe ; et de temps à autre il criait : Juliette, Juliette !

Puis tout à coup il se leva ; une pensée domina le tumulte de son esprit : l’empêcher de partir, lui dire ce que par une générosité exquise, il lui avait laissé ignorer jusqu’alors, c’est-à-dire le scandale causé par le procès Bassou, sa réputation compromise, partant l’impossibilité pour eux de rentrer en France.

Il courut au port.

Les premières lueurs du jour blanchissaient le