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les forçats du mariage

Il souleva le rideau de l’enfant qui dormait toujours.

Il aperçut sur la table la lettre qu’y avait déposée la fugitive. Il la saisit avidement ; mais au moment de l’ouvrir, il ne put pas. Ses bras retombèrent. Qu’allait-il apprendre ?

Il lut enfin.

« Pardonnez-moi, Étienne, la grande douleur que je vais encore vous causer. Je pars, je retourne en France, car je ne puis vivre ici. Je meurs lentement, et je me sens trop jeune encore pour accepter la mort. Vous comprendrez, je l’espère, cette résolution extrême d’une mourante qui se cramponne à la vie. C’est chez moi une conviction intime, instinctive, que je ne guérirai que là-bas, et je veux guérir. Vous avez refusé de m’y conduire ; c’est pourquoi je pars seule, sans vous prévenir ; mais je désire ardemment que vous veniez m’y rejoindre, que vous m’ameniez ma fille.

» Ma fille ! Ah ! si vous saviez avec quel déchirement je la quitte, et quelle confiance il faut que j’aie en votre cœur pour vous la laisser !

» Sans doute je vous dois une grande reconnaissance pour votre infinie mansuétude, surtout pour la tendresse que vous montrez à cette enfant. Merci à genoux, merci ! de ne pas la rendre responsable de ma faute. Vous n’avez pas voulu me pardonner à demi ; vous me pardonnez jusque dans mon enfant.