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les forçats du mariage

Elle arriva dans la rue.

Là, sa poitrine crispée par tant d’émotions se dilata, et aspira l’air à pleins poumons. C’était l’air de la liberté.

— Enfin ! s’écria-t-elle.

L’homme qui l’attendait, prit le portemanteau.

— Allons, allons vite, lui dit-elle en espagnol.

Elle craignait qu’Étienne ne se fût éveillé, ne l’eût entendue, ne suivît ses traces.

Maintenant elle courait presque, tant il y avait de ressources nerveuses dans cette femme tout à l’heure mourante.

Bizarre créature, en effet ; capable de toutes les énergies, comme de toutes les faiblesses ; inconséquente comme tous les êtres passionnés, que dominent à la fois plusieurs sentiments ! Elle avait une réelle amitié pour Étienne, un réel amour pour son enfant ; mais elle était encore plus amante que mère.

Vers trois heures du matin, Étienne s’éveilla, pensa à sa malade qu’il croyait avoir laissée plus souffrante que de coutume. Il se leva, et, doucement, alla écouter à sa porte pour savoir si elle reposait.

La porte était entr’ouverte.

Il entra, et vit çà et là des objets épars.

Il courut au lit de Juliette. Ce lit était vide.

Que signifiait cette sortie nocturne ? La possibilité d’une fuite ne lui vint pas à l’esprit. Cependant un vague et horrible pressentiment l’oppressait.