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les forçats du mariage

tant, un ressentiment qui, ce me semble, doit alléger un peu ma reconnaissance.

» Depuis que j’ai parlé de retourner en France, ses regards, comme sa contenance, sont gros de réticences et de reproches ; il semble redevenu soupçonneux, et lorsqu’il fixe sur moi sa grande pupille, j’éprouve par tout le corps un frisson de peur.

» Ce matin, j’ai pu sortir.

» J’ai vendu mes diamants pour trois mille francs, qui suffiront à payer ma traversée. Puis j’ai retenu secrètement une place sur le second paquebot. Celui qui vous portera ma lettre, ne me devancera que de huit jours.

» Je vous en supplie, Robert, par amitié pour moi, venez m’attendre au Havre. Si j’arrivais en France sans voir une figure amie, j’éprouverais une impression trop douloureuse. Enfin, malade comme je le suis, j’aurai peut-être besoin de secours. Je vous serai aussi fort obligée de m’avancer une somme d’argent, que je vous rendrai dès que j’aurai régularisé ma situation vis-à-vis de mon mari ; car j’ai l’intention, s’il ne veut pas me rejoindre, de réclamer ma dot ou une pension qui me permettra de vivre loin de lui.

» À bientôt, bientôt. En traçant ces mots, mon cœur bat à se rompre. Ah ! pourvu que j’arrive ! Au revoir, Robert ! Robert ! N’oubliez pas la pauvre femme qui vous a tant aimé.

» Juliette. »