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les forçats du mariage

elle. Un moment d’inexplicable vertige, de folie ! Mais je l’ai durement expié. Il ne m’aime plus. Qui sait même s’il m’a jamais aimée ? Lui à qui j’avais sacrifié mon repos, mon honneur et votre affection, eh bien ! lui-même m’a conseillé de partir. C’est un être égoïste, cruel, qui m’a broyé le cœur sans pitié. Vous le voyez donc, mon amour est éteint ; il ne peut renaître.

— Ainsi, reprit Étienne, la cause de votre maladie ce n’était pas le chagrin de notre séparation, c’était la douleur de perdre votre amant. Ainsi pour vous je n’ai jamais rien été, rien que votre valet !

— Sans doute, répliqua-t-elle, vous m’aviez fait la vie trop facile ; je n’ai apprécié votre affection que le jour où elle m’échappait. Non, ce n’est pas l’abandon de M. de Luz qui m’a désespérée, c’est le vôtre, je vous le jure. Je ne vous demande plus votre amour, je m’en reconnais indigne ; mais votre amitié, me la refuserez-vous ? Elle m’est plus chère que tout au monde. Quand vous vous êtes arraché de mes bras, j’ai senti autour de moi la nuit et le vide, un vide sans fond, une nuit sans issue, et mon cœur tout à coup s’est glacé. Ah ! puisque vous ne pouviez me rendre votre affection, que ne m’avez-vous laissé mourir ? Étienne ! Étienne ! soumettez-moi à telles épreuves qu’il vous plaira. Il n’est aucune expiation que je n’accepte avec joie.

Étienne gardait le silence. Il marchait dans la chambre d’un air sombre.