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les forçats du mariage

l’attitude de Juliette. Elle priait comme prient les désespérés ; car elle sentait bien que Robert ne l’aimait plus. Elle criait à Dieu avec colère les déchirements de son cœur ; broyée de tous les côtés à la fois, elle demandait au ciel une consolation, tout en l’accusant de sa douleur.

— Mon Dieu, disait-elle, si c’est mal d’aimer ainsi, pourquoi m’avoir donné un cœur, pourquoi m’avoir refusé la force de résister ? Seriez-vous réellement ce Dieu méchant et jaloux qui ne se réjouit qu’au spectacle des sacrifices douloureux ? Nous auriez-vous donc créés pour souffrir et pour vous repaître de la vue de nos souffrances ? Non, vous êtes bon, voilà ce que je veux croire. Ayez pitié de moi, de mon âme meurtrie ; faites que Robert m’aime encore, ou du moins donnez-moi le courage de le fuir et de supporter son abandon.

Quand elle releva ses yeux baignés de larmes, Étienne était devant elle. Elle tressaillit ; mais elle se remit promptement.

— Vous venez me chercher, fit-elle ; allons.

Ils sortirent ensemble et montèrent dans la même voiture.

— Vous m’espionnez, Étienne ? dit Juliette après un moment de silence. J’en suis contente. Je le souhaitais presque ; car je voyais que vous ne m’aviez pas encore rendu toute votre confiance. Mon confesseur m’a engagée à partir. Cela me coûte sans doute ; mais à présent je suis résignée.