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les forçats du mariage

Elle l’écoutait, le scrutait d’un regard pénétrant ; elle cherchait à lire au fond de son cœur. N’y découvrant que de la froideur, de la lassitude, elle le repoussa avec violence. Elle se leva, alla de nouveau vers la porte. Là ses forces la trahirent. Elle se retourna, s’appuya au mur.

— Robert, Robert, supplia-t-elle en lui tendant les bras.

Elle sanglotait.

Robert était attendri, touché de tant d’amour. Peut-être allait-il lui promettre de fuir avec elle Mais, au milieu de cette douleur suprême, la malheureuse n’osant invoquer Dieu, et néanmoins cherchant au ciel un appui, un secours, s’écria :

— Ma mère ! ma mère !

Cette invocation glaça Robert, comme si un spectre se fût soudain dressé entre eux. Il n’osa prendre Juliette dans ses bras, il n’osa lui dire de rester, car c’était l’entraîner dans un précipice, le même précipice où Mme Delormel était tombée.

— Juliette, reprit-il avec énergie, je vous aime ; mais il faut partir. Vous invoquez votre mère ; c’est son souvenir qui nous dicte notre devoir ; car je lui ai juré, vous le savez bien, de veiller sur vous, sur votre bonheur.

— Qu’en avez-vous fait de mon bonheur ?

— Il faut nous séparer, momentanément du moins, continua-t-il avec le même ton d’autorité ;