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les forçats du mariage

Toutefois, il fit ce raisonnement que doivent faire tous ceux qui sont décidés au suicide :

— Attendons encore : il sera toujours assez tôt dès que le fardeau deviendra trop lourd.

Mais vivre en face de cette femme que son cœur repoussait avec aversion, avec horreur, ce n’était pas possible. Il s’arrêterait donc au premier parti, et quitterait la maison avant le réveil de Juliette. Il irait à Nantes d’abord, et de là s’embarquerait pour Rio-Janeiro.

Il réunit divers papiers, quelques effets indispensables, et les jeta dans un porte-manteau.

Mais, au moment où il achevait ses préparatifs, Juliette entra, inquiète du mouvement qu’elle en tendait dans la chambre d’Étienne. Elle aperçut cette malle pleine, encore ouverte. Elle devina son projet, entrevit en un instant les conséquences de ce départ : l’abandon, la honte d’un scandale ; et, prise d’un soudain effroi, elle s’élança au cou de son mari.

Étienne la repoussa.

Elle se roula à ses pieds, embrassant ses genoux.

Ce désespoir n’était pas feint. Elle voyait son avenir perdu, brisé. Or, elle tenait à la considération, aux prérogatives du mariage, bien qu’elle n’en remplît pas les devoirs.

Mais Étienne crut à une nouvelle comédie, et se dégagea froidement.