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les forçats du mariage

le droit de la tuer parce qu’elle ne l’aimait pas ? Après tout, cette jalousie brutale était-elle autre chose qu’un sentiment exalté de personnalité ?

Elle le trompait, c’était, certain. Mais pourquoi s’érigeait-il en juge et en bourreau ? Était-il donc assez esclave des préjugés pour croire que cette femme fût à ce point son bien, sa propriété, qu’il eût le droit de la tuer ? S’il était malheureux, pourquoi ne la quittait-il pas, lui, ne partait-il pas ?

— Ah ! oui, se dit-il, partir ! C’est cela : sans la revoir ; car si je la revoyais, je ne pourrais plus partir ; et si j’acquérais des preuves certaines, ma folie me reviendrait, je le sens bien ; peut-être ne saurais-je plus la dominer. Mieux vaut donc partir tout de suite.

Le poignard était posé sur la table à portée de sa main.

— Voici le départ le plus prompt, le plus sûr, pensa-t-il.

Il prit le poignard, en appuya la pointe sur sa poitrine.

— Une minute de souffrance, tout au plus. Au moins ce serait le repos à jamais. D’ailleurs, son cœur n’était-il pas mort ? Voudrait-il aimer encore pour s’exposer à de nouvelles tortures ? Non, il n’aimerait plus. Mais puisque l’amour était toute sa vie, quel bonheur pouvait-il attendre désormais de l’existence ?