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les forçats du mariage

comédies de sentiment dans lesquelles elle déployait un charme vraiment captivant. Toutefois, en cet instant, elle ne mentait pas entièrement : elle aimait presque Étienne. Pour la première fois, il l’avait subjuguée par l’énergie de son amour. Jusqu’alors, elle n’avait pas compris ce qu’il y avait de tendresse infinie dans son abnégation, de force dans sa douceur toujours égale. Elle l’avait cru un peu flegmatique ; mais elle s’était trompée : ce n’était pas un agneau, c’était un lion. Il l’avait domptée. Il savait donc aimer, ce doux Étienne, avec toutes les colères et toutes les jalousies de la passion. Elle l’aimait mieux depuis qu’il lui avait fait peur, depuis qu’il l’avait insultée et battue.

— Sais-tu que tu m’as fait mal tout à l’heure ? lui dit-elle, en lui montrant son poignet meurtri.

Étienne le couvrit de pleurs et de baisers. Honteux, humilié de sa rudesse, il n’osait lever les yeux sur elle.

— Cependant je te remercie, reprit-elle, de m’avoir fait sentir la véhémence de ton amour. Je suis fière de porter tes marques. Elles disparaîtront trop vite. Qu’est-ce d’ailleurs que ce bobo, en comparaison de ce que tu as enduré, toi, pauvre cher cœur ? C’est moi qui ai été maladroite, entêtée ; j’aurais dû prévenir, deviner tes soupçons, t’épargner ces douleurs atroces. C’est moi qui veux me mettre à tes pieds.

Elle l’obligea à s’asseoir, et s’inclina devant lui.