Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
les forçats du mariage

Il s’arrêta, craignant que sa voix ne trahît son attendrissement.

— Voyons ! essuie cette larme, je ne regarde pas, dit Robert.

— Eh bien ! oui, je pleure comme un imbécile en pensant à ce gentil Pierrot. J’aimais à l’entendre piétiner et babiller autour de moi. Il y a deux jours qu’ils sont partis. Ce petit animal me disait en m’embrassant de toutes ses forces pour me consoler : « Comment papa, un grand homme comme toi, tu pleures ; vois donc, moi qui ne suis qu’un bout d’homme, je ne pleure pas. D’ailleurs, je te le promets, nous reviendrons demain. Qui donc te ferait enrager si Pierrot n’était plus là ? » Dès qu’ils furent dehors, je descendis comme un fou pour les embrasser encore, leur dire de revenir, que je consentais à tout. Heureusement ! ah ! heureusement ! la voiture n’était plus là.

— Mon Dieu ! tu en seras quitte pour aller les chercher. Car tu sais ma prédiction, je n’en démords pas. Tu te marieras. Crois-moi, autant le faire tout de suite.

— Non, l’art avant tout, mon cher, je me dois à mon art.

— Et tu crois toujours que la famille est un obstacle à la vie artistique ?

— Si je le crois ! Le mariage, c’est le tombeau de toute poésie, le tombeau de l’art, comme de l’amour.