Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
les forçats du mariage

dix ans, et voilà qu’aujourd’hui je suis malheureux, très-malheureux, car elle m’a quitté et elle a emmené le mioche.

— Et tu aimes ton Pierrot au point de ne pouvoir vivre sans lui ?

— Je l’aime, je l’aime, c’est-à-dire qu’il m’amuse… Il est très-drôle, ce moutard-là. Il a des reparties, vois-tu, on ne sait vraiment où il va les prendre ; et avec ça des gentillesses, des câlineries…

— Est-il papa, ce pauvre Pierre !

— Pas du tout, ce n’est pas de la paternité. Ce serait l’enfant d’un autre que je l’aimerais de même, ou du moins il m’amuserait tout autant.

— Alors, reprit Robert, pour revoir ce moutard si drôle, tu ne serais pas éloigné de céder aux sollicitations d’Annette ?

— Non. J’aime cet enfant, j’en conviens ; j’aime Annette aussi ; je souffre de lui causer un chagrin par mon refus, je ressens douloureusement cette séparation ; mais je lutterai. Quand on a des principes, il faut avoir l’énergie d’y conformer sa conduite. Avant de céder, je veux essayer de me distraire, tâcher d’aimer une autre femme. Je l’ai tenté déjà, et figure-toi que je ne le puis pas ; toute distraction m’est odieuse. Que veux-tu ? cette brave fille m’a montré, dans des temps difficiles, tant d’affection et de dévouement ! Elle exige ce mariage à cause de l’enfant ; et vraiment, je n’ai pas le courage de lui en vouloir. Ce pauvre petiot !…