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les forçats du mariage

mauvaise humeur ? Il venait pourtant de poser sa candidature, et le gouvernement lui promettait son appui le plus officiel. Il allait parvenir au sommet de ses ambitions, consacrer au bien de son pays ses éminentes facultés, parler à la France, à l’univers. Mais, hélas ! un rayon manquerait à son auréole : l’amour d’une femme du monde.

Robert l’avait présenté à la princesse Ircoff ; la princesse l’avait toisé du haut de son binocle, avec une superbe écrasante.

Deux ou trois autres présentations dans le très-grand monde avaient amené le même résultat : échec et mat. Cependant il vieillissait, malgré sa gloire et ses millions ; et, avant de faire ses adieux à la galanterie, il voulait être aimé pour lui-même, être aimé du moins par une femme assez haut placée pour qu’il pût croire à un amour désintéressé.

Il était blasé sur les faveurs des danseuses, dont il connaissait au plus juste le tarif. Voyait-il à l’Opéra luire une nouvelle étoile ? Cela me coûtera tant, se disait-il, mieux vaut acheter du trois pour cent. Dans ses songes, de fines marquises, de fières duchesses, des princesses même se détachaient des panneaux antiques de son château et ne dédaignaient point de lui roucouler les déclarations les plus folâtres. L’amour d’une grande dame, ce désir, persistant comme une idée fixe, l’aigrissait, le rendait triste, malheureux.

Il portait ainsi le châtiment de sa vanité.