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les forçats du mariage

La timide Sophie, malgré sa belle robe de poult de soie antique semé d’épis d’or, faisait tache, avec sa figure honnête et bourgeoise, au milieu de ce luxe princier, plein d’incitations lascives.

Frais rasé, rondelet, gris-pommelé, roide et compassé, M. Rabourdet avait beau se cambrer fièrement, renverser la tête, rejeter jusque sur l’épaule les revers de son habit pour mieux faire valoir les proportions magistrales de son auguste thorax, il avait beau agiter ses breloques, humer délicatement sa prise, secouer son jabot avec une noble insouciance, rien ne parvenait à le grandir et à l’ennoblir. On retrouvait l’homme de basse origine dans sa main carrée, dans ses gestes vulgaires, dans sa phrase prétentieuse, et surtout dans le regard vaniteux qu’il jetait sur ces magnificences.

Néanmoins, il paraissait préoccupé, presque morose : on l’eût dit absorbé par de profonds calculs. Tout à coup, il s’approcha de la pendule de malachite, et passant son doigt sur le marbre :

— À quoi donc vous servent vos domestiques, s’écria-t-il d’un ton hargneux, s’ils n’époussètent même pas les meubles ? Ce n’est pas mon rôle cependant de veiller à cela. J’ai bien assez de mes affaires. Mais vous n’êtes bonne à rien qu’à pleurnicher.

La douce Sophie ne répondit pas.

Pourquoi l’olympien Rabourdet montrait-il cette