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les forçats du mariage

Que signifiait ce ton de galanterie cérémonieuse ? Cette lettre ne contenait aucun regret senti, aucune bonne excuse. C’était une défaite polie. En vain y cherchait-elle un mot parti du cœur ; elle n’y dé couvrait rien que de strictement convenable.

Ses tempes battaient avec force, et dans son cerveau se heurtaient en tumulte les suppositions les plus extravagantes, les projets les plus insensés.

Au lieu d’interrompre sa toilette, puisqu’elle n’avait plus à sortir, elle s’habilla à la hâte. Où le trouver ? Elle n’en savait rien. Elle irait chez lui, puis au bois ; mais peut-être le rencontrerait-elle avec une rivale, avec cette Nana dont le souvenir la poursuivait. S’exposerait-elle à cette humiliation, à cette douleur ?

Quand Étienne entra, il la trouva assise dans une attitude désespérée, les yeux pleins de larmes ; la lettre de Robert était ouverte sur ses genoux.

En ce moment, Juliette pensait fort peu à son mari, qu’elle croyait sorti. Elle laissa voir sa surprise et son embarras.

— Qu’as-tu donc ? demanda Étienne avec sa tendresse habituelle.

Et en même temps il se pencha vers elle pour l’embrasser.

Juliette par un mouvement instinctif posa sa main sur la lettre.

— Moi ? rien, une petite contrariété, voilà tout, répondit-elle en glissant le papier dans sa poche.