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les forçats du mariage

à tort et à travers, et tu ne dis rien, qu’as-tu donc ?

— Moi ? dit Robert, qui parut s’éveiller d’un songe, je t’écoute. Tu m’amuses.

Nana l’ennuyait aussi. Ce bavardage trivial, débité d’une voix éraillée, maintenant le dégoûtait. Malgré lui, il entendait toujours la voix émue et vibrante de Juliette.

Néanmoins, comme Nana attendait des convives, il resta ; il revit là quelques amis. Il joua toute la nuit, et les émotions du jeu lui firent oublier un moment sa souffrance.

Quand il sortit de chez Nana, il était cinq heures du matin. Le jour commençait à poindre, triste, blafard. Il faisait froid. Les rues étaient désertes. Çà et là apparaissaient quelques sordides balayeuses, et de lourds chariots résonnaient avec fracas sur le pavé solitaire.

Robert revenait à pied, morne, fatigué, un peu ivre. Néanmoins, il pensait encore à Juliette.

Il trouva devant sa porte, accroupie sur le trottoir, une femme qui semblait grelottante.

À la vue de Robert, elle se leva en poussant un léger cri :

— Monsieur le comte ! dit-elle.

Il reconnut Lucette. Elle lui raconta que, lasse enfin des outrages de son mari, elle s’était enfuie seule, au milieu de la nuit, et qu’elle était venue chercher un refuge auprès de Mme de Luz.

Il la fit entrer. Comme à cette heure il n’y avait