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les forçats du mariage

d’abord choisi ? Ne me demande pas d’être ta maîtresse, nous sommes si heureux ainsi !… Jusqu’alors, il m’avait semblé avoir au dedans de moi comme un démon qui me dévorait ; maintenant, c’est la pure félicité des anges. Mon âme enfin se dilate, s’épanouit. Merci, Robert, merci. Cet instant me fait oublier toutes les amertumes du passé. Je suis bien réellement ta femme. Quelles lois, quelle force humaine pourraient nous séparer ?

Elle enlaçait de ses beaux bras le cou de Robert.

— J’ai assez lutté, reprenait-elle d’une voix attendrie, plaintive. Mon courage est à bout, je me rends. J’ai voulu te haïr ; je ne puis que t’aimer. J’ai essayé d’aimer mon mari ; mais ta pensée toujours était entre nous. Tu ne sauras jamais ce que j’ai souffert pour toi. Guéris-moi, console-moi, Robert, fais-moi la vie heureuse. Je ne suis pas la femme méchante que tu supposes. Quand je suis mauvaise, c’est que je souffre. Je suis tendre, au contraire, aimante ; je veux être aimée infiniment comme je t’aime. Je veux ton cœur à moi, tout à moi. Je veux que ma vie soit fondue dans la tienne. Pardonne-moi, pardonne, je t’en conjure, mes caprices, mes boutades. Je suis tienne, ta chose, ta servante, Robert, mon Robert !

Elle s’était laissée glisser à genoux.

En la voyant, elle si altière, dans cette attitude humiliée, Robert se sentit vraiment attendri. Il la releva et lui baisa les mains longtemps, res-