Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
les forçats du mariage

— Croyez-vous que je ne souffre pas, moi ?

— Mais alors pourquoi prolonger ce supplice ?

— Parce que je ne sais pas, répondait-elle, si je vous aime, ou si je vous hais. Tantôt il me semble que je ne puis vivre sans vous, tantôt je voudrais vous fuir au bout du monde.

— Cette haine, Juliette, c’est de l’amour.

— Si je vous cédais, vous me quitteriez encore.

— Laissons l’avenir : les joies du présent suffisent à ceux qui aiment.

— Tenez, allez-vous-en, ne revenez plus. Je suis malade, je deviens mauvaise ; vous avez changé ma nature. J’étais primitivement une bonne et honnête fille ; vous avez fait de moi un monstre de perversité. Je me fais horreur, je voudrais n’être jamais née. Je ne désire pas la mort, car j’ai peur de l’enfer. Cependant les tourments de l’enfer ne peuvent égaler ceux que j’endure depuis que je vous aime.

— Eh bien ! lui dit-il un jour, adieu ! Je ne reviendrai plus. Cette vie, vraiment, est intolérable.

Il se leva, prit son chapeau.

— Où allez-vous ? cria-t-elle. Ah ! je vous en supplie, ne m’abandonnez pas.

Elle se pendit à son cou, et ses lèvres pâles se tendirent à celles de Robert.

Puis elle le repoussa brusquement.

— Sortez, vous me rendez folle.

Et quand il sortit, elle lui serra la main avec