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les forçats du mariage

che ? Au lieu de ressaisir son amour, n’était-ce pas le moyen de se rendre importune, odieuse peut-être ? Elle retombait désespérée, mourante sur sa chaise longue.

Robert, tout entier à sa passion renaissante, s’apercevait à peine des souffrances de sa femme. Il avait passé huit mois sans aimer. Aussi lui semblait-il retrouver toutes les jeunesses, tous les enthousiasmes du premier amour. Femme, Juliette avait pour lui une saveur que la jeune fille n’avait pu lui offrir. Et puis cette résistance l’étonnait autant qu’elle l’irritait.

Il lui faisait une cour assidue, subissant ses caprices et même ses rebuffades ; car elle ne lui épargnait aucun de ces menus supplices par lesquels une femme aime à constater son empire.

Il n’y avait pourtant chez elle aucun calcul stratégique, aucune intention même de coquetterie. Elle s’abandonnait naïvement, brutalement quelquefois, à ses impressions bonnes ou mauvaises. Elle ne voulait pas être la maîtresse de Robert, elle le lui signifiait avec hauteur, avec colère même ; mais elle ne voulait pas le perdre non plus ; et quand elle le voyait découragé, triste, prêt à quitter la partie, elle le retenait par un regard d’amour, une tendre parole. Puis, dès qu’elle l’avait reconquis, elle recommençait à le torturer.

— Vous trouvez donc un grand bonheur à me faire souffrir ? disait-il.