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les forçats du mariage

puisque tu te fâches de mes légèretés. Si je ne lis pas de romans, voici pourquoi : ou bien un roman est une invention pure, un conte pour amuser les âmes ingénues, alors je n’en ai que faire ; ou c’est un livre qui veut prouver quelque chose ; mais s’il s’agit d’une vérité bien claire, il n’est pas besoin d’un volume pour me la démontrer, dix lignes me suffiraient. Et tu veux que ces dix lignes, j’aille les chercher à travers des racontages infiniment délayés, plus ou moins invraisemblables ? J’aimerais mieux, comme les derviches, tourner mes pouces ou contempler le bout de mon nez.

— Mais, alors, que ne poursuis-tu quelque travail sérieux de science, de politique ? Pourquoi, par exemple, ne briguerais-tu pas la députation ! Ton nom, ta fortune…

— Écoute, ma chère Marcelle, je vais te faire ma profession de foi, et tu m’épargneras dorénavant ces balivernes. J’ai un nom, c’est vrai. Quoique je n’en fasse aucun cas, je pourrais m’en servir, comme tant d’autres, pour arriver à une position élevée. Mais, pour cela, il faudrait prendre au sérieux un tas de choses et de gens que je ne puis entendre ni regarder sans rire. Selon moi, c’est faire preuve d’une fière assurance ou d’une magistrale sottise que d’oser s’imposer ainsi à l’admiration de ses semblables. S’il n’existe qu’une minime différence entre le singe et l’homme, quelle distance plus faible encore doit séparer un de ces