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les forçats du mariage

Dans un état de grossesse avancée, elle allait peu dans le monde ; elle restait donc seule bien souvent, car maintenant, loin de retenir Robert, elle l’obligeait parfois à sortir. Elle devinait que l’ennui le rongeait, l’ennui, plus dangereux pour elle qu’une rivale.

— Je t’en prie, Robert, dit-elle, lis-moi quelques pages de ce livre nouveau qui a tant de succès.

— Un roman ! Nous ne sommes pas encore en carême, épargne-moi cette pénitence.

— Comment ! les romans ne t’intéressent pas, toi, un artiste, un aussi fin observateur des choses de l’amour ?

— Les romans en action, très-bien ! Mais l’éternelle rapsodie d’Arthur et d’Adèle, oh ! non.

— Puisque le roman en action ne t’est plus permis, insista Marcelle…

— En lire me serait d’autant plus insupportable. J’aime mieux savourer tranquillement le bonheur d’être ton mari.

Le ton un peu léger et indifférent dont il prononça cette dernière phrase, affligea Marcelle.

— Tu n’es pas heureux ? demanda-t-elle craintivement.

— Allons bon ! je ne suis pas heureux, parce que je refuse de lire ton roman ? Donne-moi ce livre, que je m’exécute.

— Non, je ne le désire plus.

— Eh bien ! je vais te répondre sérieusement,