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les forçats du mariage

— Comment ? Est-ce que ta femme déjà…

— Ah ! cette chère Marcelle, un ange qui m’aimera éternellement. C’est là ce qui fait mon désespoir.

— Alors, qu’y a-t-il ?

— Je ne l’aime plus.

— Tu l’as donc aimée ?

— Oui, un moment, le cœur a été pris. Il l’est encore, mais ailleurs. Et voilà pourquoi je souffre.

— Je ne saisis plus.

Robert conta à son ami l’histoire de Juliette, peignit ses propres souffrances en termes si poignants que Pierre fut attendri.

L’artiste se promena quelque temps sans répondre, les mains derrière le dos, d’un air méditatif ; puis se redressant tout à coup :

— Et tu viens me demander des conseils ?

— Oui, un avis, une consolation, car je suis malheureux.

La figure de Pierre avait perdu son expression acerbe, grondeuse.

— Dès que tu es malheureux, dit-il, ma colère tombe. Tu souffres, tu fais souffrir, cela était inévitable. Vouloir comprimer une nature comme la tienne, c’est impossible. Elle rebondira en brisant, broyant à droite et à gauche tous les obstacles. Ta pauvre femme sera une martyre. Que faire ? Refrénez vos passions, dirait un moraliste. C’est parfait ; mais il faut le pouvoir ; et je te connais, tu ne le