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prédilection, un seul visage, et rayé d’éclairs, taché de sang, le jeune et brûlant Saint-Just.

La gloire seule, chère Marie, ne vous fit pas défaut ; vous aviez traité avec elle, vous l’aviez dès l’enfance appelée, séduite, enchaînée ; vous l’aviez obligée à vous servir : nul être autant que vous n’a le droit de parler de cela avec cet accent de vainqueur.

Si la gloire n’était que la récompense de l’effort, que le terme de l’ambition, la vôtre ne nous consolerait pas, pour vous, de cette inconnaissance de la passion vivante, qui fut votre part amère. Mais elle est le plus nombreux amour et celui qui ne finit pas. Des chants de surprise, des cantiques enivrés de jeunes gens accueillirent votre premier ouvrage. Une foule crut en vous, espéra en vous, sans être déçue, et, aujourd’hui, ceux qui parlent de vous éprouvent une fierté mêlée de confusion à joindre leur nom au vôtre sur vos livres. Je voudrais mériter le mélancolique bonheur que me cause le seul témoignage d’amitié qu’il me soit accordé de vous donner.

Puissé-je avoir évoqué avec une suffisante tendresse votre image au seuil de votre dernier volume ! J’ai lu bien des fois ces feuillets de douleur, où votre esprit, comme le taureau blessé, tourne en rond dans le cirque tragique, mêlant son sang au sang répandu, se heurtant d’un regard aveuglé d’horreur contre les cloisons mortelles, et c’est l’honneur de votre cœur gonflé d’humanité de n’avoir jeté dans cette œuvre