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sur l’appui de la lucarne. De la voix forte et rauque que tout son être physique annonçait il chantait sans ordre des chants d’église : Introïts, hymnes et psaumes.

Quand, le soir, une branchette défeuillée à la main, nous revenions avec nos vaches à travers les petits cèdres de la savane, des fragments d’alléluias et des versets de psaumes venaient au-devant de nous par-dessus les toits des granges et la toison blanche des champs de trèfle. Sans savoir pourquoi, je trouvais un charme infini à cette simple harmonie du plain-chant qui enveloppe si admirablement les ardents poèmes du roi-pasteur ; instinctivement, je fredonnais moi aussi en écartant du bras les palmes de cèdre qui me battaient la figure, de longs Amen et des strophes disparates de l’Ave Maris Stella !…

Revenus à la maison, nous ne cessions pas d’entendre l’inlassable chanteur. Dans le silence progressif que le soir établit sur la campagne, la voix rude de Charles semait les grappes de notes des Kyrie, les neumes joyeux des ivresses pascales ; elle atteignait les parcs piétinés où les fillettes, la tête appuyée contre le pelage roux des vaches, tiraient le lait entre leurs doigts humides ; elle entrait librement par les portes et les fenêtres ouvertes allant porter des pensées d’église aux