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chez une, neuf fois sur dix la v’limeuse se décroche… et va le dire aux autres !… Inutile d’insister, allez plus loin !…

Oh ! ces ruisseaux dans les bois ! ce sont eux, je le crois bien, qui ont fait de moi le sauvage impénitent que je suis ! Oh ! les tableautins charmants qu’à chaque détour ils composent pour le seul agrément de grands papillons satinés, des pinsons et des fauvettes du Bon Dieu ! Il suffit en vérité que l’homme déserte un lieu de la terre pour que tout évolue en beauté, que les angles s’adoucissent, que la mort elle-même se dérobe sous la montée sourde et régulière de la vie. Un tronc d’arbre se renverse-t-il en travers de l’eau qui court, sans tarder la légion minuscule des mousses s’emploie à le couvrir d’une housse de velours artistement brodée de menues dentelles végétales. Que de fois dans le demi-jour recueilli traversé en tous sens par les traînées d’or filtrant des feuillages, dans le silence peuplé de la pulsation enivrante de la vie, je me suis assis sur un de ces arbres morts ainsi parés par la nature maternelle. Les pieds dans l’eau glacée, les mains plongeant avec volupté dans les coussins de mousse, je me penchais longuement sur le miroir de l’eau où sur un fond de feuillage broché d’azur, une tête d’enfant, nimbée de paille blonde,