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gâte les confitures, et il ne faut jamais les mélanger aux vraies fraises, chacun sait ça !

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Sur le renchaussage, bientôt, l’avoine, le blé, l’orge et le sarrasin pointèrent. Il n’y avait qu’à se croiser les bras !

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Une fois les confitures aux fraises dûment recouvertes d’une rondelle de papier et scellées dans les bocaux, j’eus du répit jusqu’aux framboises. C’était la saison où, dans l’eau dégourdie par le bon soleil, la petite truite remonte les ruisseaux dans les bois. Tout en haut de la terre, le grand ru’sseau passait. Sorti de la sucrerie de Fréchette, il traversait la savane à Pépin, longeait paresseusement la lisière d’épinettes, puis rentrait en serpentant dans le bois pour déboucher sur la route quelques arpents plus loin et s’enfoncer de nouveau sous l’ombre.

Je dois le dire, le grand ru’sseau a été la passion de mon enfance. Dès le matin, les veaux soignés, nous partions mes amis et moi, par le sentier des vaches. Mes amis, c’étaient Fred et Willie Lavigne. Je les vois encore : Fred, vif, entreprenant, bavard, toujours une bricole ballante, mal mouché et peigné avec un clou ; Willie, tranquille, un peu rêveur : tous deux le cœur sur