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temps, aller aux fraises, aux framboises et à la petite truite. Je dois dire toutefois que, sans avoir une idée bien claire de la chose, j’étais parfaitement résigné à essoucher la savane ! L’idée était, paraît-il, prodigieusement drôle, car mon grand-père éclata de rire, les oncles crachèrent bruyamment et firent écho, tandis que tante Phonsine — cœur d’or, toujours ! — murmurait en tournant sa crêpe :

— Bande de grands haïssables ! Laissez-le donc arriver, le pauvre petit, avant de commencer à l’étriver !

— Comme de raison, ajouta mon grand-père, les jours de mauvais temps et le dimanche après-midi, tu pourras lâcher les travaux et aller pêcher dans le grand ru’sseau. Dis donc, Jean, quelle terre va-t-on lui donner ?

Jean était assis dans le cadre de la porte. D’un air important, il empoigna ses bricoles à deux mains, tira quelques bouffées rapides, parut réfléchir profondément et articula :

— La terre de la Rivière, peut-être ?

— C’est trop loin !

— Notre morceau de terre neuve, alors ?

— Il y a des ours !

Je n’étais pas à l’aise…

— Si on lui donnait les côtes de sable ?