Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
PRÉFACE

et rêve d’un petit peuple rivé à son merveilleux fleuve où se mirent ses jolis clochers.

Dans son livre le Frère Marie-Victorin ramasse tout le sens de nos horizons. Affectueusement il enferme dans une expression nouvelle, l’âme locale, la figure de son pays. Les grandes voix du terroir passent en ses pages, les font émouvantes, et l’on est pris à leur charme spécial, ce par quoi elles s’avèrent laurentiennes, et l’on s’étonne du prestige d’un art simple, appuyé sur l’observation des réalités natales, et révélateur, certainement, d’un tempérament d’artiste, et on cherche les sources où l’auteur a puisé une si fraîche poésie.

C’est, je crois, à son enfance, que le Frère Marie-Victorin doit son inspiration la meilleure. Il s’est penché, dirait Faguet, « sur la source qui lui renvoie son image et qui est son cœur. » Il nous en avertit lui-même. Le souvenir, comme un doigt, a tourné les pages anciennes du livre de sa vie, et, songeur, il s’est retrouvé sur la route parcourue jadis avec le vieil oncle Jean, la route d’où sa jeune croyance salua l’humble croix de bois de Saint-Norbert. Ému de la nostalgie du cher paysage où persiste son âme d’autrefois, il s’est donné l’illusion d’y revivre ses joies et son chagrin d’enfant, et chargé de cette poésie naïve, il lui a plu de la transposer dans ses écrits.

Source intime qui témoigne de l’enfant. Il en est une autre où s’atteste surtout la beauté des choses extérieures, et qui charrie toutes les nuances de l’horizon natal. La Nature, regardée au temps naïf, lui fait, maintenant, une loi de venir la contempler dans l’âge mûr. Et par le lacis des voyages, avec une acuité de vision rare, il y retourne, et, qu’elle soit forêt, fleuve, fleur ou caillou, riante comme à Chambly, grandiose dans le Golfe, dantesque au Saguenay,