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C’est un chagrin d’enfant, mais vous savez bien qu’il n’y a pas de chagrins d’enfant ; il n’y a que des chagrins tout court : le nuage n’est jamais petit qui couvre tout le ciel et l’assombrit ! Aussi, après vingt-cinq ans, quand je pense à la mésaventure que je vais vous raconter, je n’ai pas plus le cœur à rire qu’en ce temps déjà lointain où je courais les champs de Saint-Norbert en culotte de coutil, et sur le miroir du souvenir je confonds toujours dans le même ressentiment le masque rustique de Baptiste Juneau et la gueule baveuse de sa jument rouge.

Connaissez-vous ça, le renchaussage ? Peut-être n’y en avait-il pas, chez vous ? C’est, tout contre la maison, un petit remblai de terre retenu par de fortes poutres engagées en queue d’aronde. C’est le grand atout contre le froid de l’hiver ; à la belle saison l’on y appuie ou l’on y jette beaucoup de choses : les chaudières à lait, les bidons, les outils, les bottes, que sais-je ?…