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PRÉFACE

Sans cette heureuse mauvaise santé d’autrefois, sans cette bonne fortune des jours d’oisiveté dans les champs, le Frère Marie-Victorin eut-il songé à la botanique et dans ce jardin des vies sereines et multicolores, eut-il pris des couleurs pour notre littérature, nous donnerait-il, après sa Flore de Témiscouata, un livre débordant de choses du terroir, ses Récits Laurentiens ?


II


Reconnaissant à la terre natale des dons qu’il a reçus d’elle, le Frère Marie-Victorin se devait de l’exalter en un beau livre, et ici, admirablement et simplement, il la magnifie avec une note de tendresse qui émeut, et des mots qu’on n’avait pas, semble-t-il, encore entendus.

Nous avons vu dans nos écrivains du terroir plus d’un reflet de coin de pays, mais voici un reflet plus large du Canada, voici la Laurentie évoquée en un langage tout chargé de ses couleurs et de sa poésie. L’auteur nous initie à tout l’horizon où rêve son royal Saint-Laurent. Il nous fait admirer les lignes graves des montagnes dont le portique bleu s’étage sur la pâleur du Nord. C’est Buies qui revient devant nos paysages et reprend avec plus d’acuité de vision, avec d’autres nuances, la toile immense des Laurentides.

Avec les traits de la patrie physique, c’est sa physionomie morale, surprise dans le drame des âmes simples, groupées par les traditions autour de l’église des villages. C’est l’intimité canadienne dans la douceur des maisons blanches qui font chapelet sur le chemin du roi. C’est le geste de nos gens sur la glèbe laborieuse, leur gaîté, leur tristesse, prenant, parfois, pour s’exhaler les syllabes de quelque chanson venue jadis du Vieux Pays auquel on pense toujours. Sol