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rouac et ses garçons qui n’avaient qu’à traverser le champ et à passer le tourniquet, les Robitaille du moulin, les Blondeau, les Gauvin, les Pageot, le père Huot, maître d’école, et jusqu’au docteur Laurin, des Saules, qui, revenant d’une visite aux malades dans les Grands-Déserts, attacha son cheval à un poteau, et attendit dans sa voiture.

À six heures, Savard sortit de la maison pour sonner l’Angélus. Comme on le regardait il affecta plus de pose que d’habitude, fit montre de ses muscles !… Puis il sortit un gros rouleau de corde de dessous l’escalier du jubé. Personne ne s’offrit pour l’aider. L’histoire de Pierre Gauvin s’était répétée de bouche en bouche et nul ne semblait disposé à se risquer à cette besogne. D’ailleurs, les Lorettains aimaient leur vieux rosier qui partageait leur vie depuis toujours, s’était identifié avec leurs dimanches et dont si souvent les pétales sanglants avaient chu en tournoyant sur le linge blanc des baptêmes et le drap noir des cercueils. À le voir ainsi disparaître, les plus indifférents s’émouvaient et pour les anciens c’était une amputation, une tristesse ajoutée, encore un lambeau du cher passé qui s’en allait.

Au bout d’un instant la tête carrée de Savard parut dans la fenêtre du clocher et la corde se déroula sur la façade.