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PRÉFACE

I



CHAQUE écrivain fait à sa manière la découverte de sa voie littéraire. Un jour un jeune religieux du collège de Saint-Jérôme reçoit du supérieur l’ordre de laisser là ses livres et ses élèves pour le va-où-tu-veux dans les champs. Sa santé requiert le plein air le repos de l’esprit, le vagabondage au soleil. Déjà attaché à ses élèves, il trouve bien dur de les quitter pour l’oisiveté champêtre. Que faire dans ce désœuvrement ensoleillé ? Faites n’importe quoi, lui dit le supérieur, avec un geste vague… regardez les pierres, les oiseaux, les herbes… Bon ! les herbes, pense le religieux. Au moins, s’il avait pour truchement auprès des fleurs sauvages, un livre de botanique il ne serait pas seul, un livre à la main, pour interroger le bord des routes, les clairières, les sous-bois. Et l’indulgent supérieur lui permet de s’adjoindre Provencher, j’entends sa Flore, pour l’aider à saluer les plantes.

Et le jeune religieux salua si bien les herbes, fureta d’un œil si curieux dans la robe des champs qu’il devint botaniste. Il devint aussi le paysagiste littéraire, l’évocateur de vie laurentienne que notre société nationale Saint-Jean-Baptiste mit en relief, lors de deux concours, en l’honorant de ses lauriers, enfin, l’auteur recherché de nos revues littéraires pour ses pages si caractéristiques de chez nous, le Frère Marie-Victorin.

La Nature vers laquelle on le poussa, lui fut bonne comme une mère, le baigna d’air pur, de soleil, et le long des sentiers, lui parla par la voix des feuillages, et dans ses yeux curieux d’elle, lui glissa son image et, pour toujours lui prit son cœur.