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timent le rebord de la pierre. Le bedeau, en gravissant les marches, fit observer la chose aux trois marguilliers : Jean Hamel, Nicolas Bonhomme et Jacques Voyer, qui fumaient, gravement assis sur un banc près de la boîte du crieur public.


C’est pas de ma faute, rétorqua le bedeau, on les a pris dans ton jardin, Nicolas, et c’est ta fille qui les a greyés !

— Tiens ! observa plaisamment Nicolas Bonhomme, la Sainte Vierge aime les bouquets, et quand le bedeau oublie d’en mettre sur son autel…

— À moins, opina Jean Hamel, que ce ne soit un cadeau de sa sainte Mère, la Bonne Sainte Anne !…

— Si les bouquets de l’autel de la Sainte Vierge ne sont pas assez fionnés à matin, rétorqua le bedeau, c’est pas de ma faute ! On les a pris dans ton jardin, Nicolas, et c’est ta fille qui les a greyés !…

En éclatant de rire, il empoigna la corde à deux mains. C’était le dernier coup de la messe. Un à un, les hommes entrèrent, puis les jeunes gens, et, au dernier tinton, il n’y eut plus sur la place, à l’ombre claire des jeunes ormes, qu’une longue rangée de barouches et de chevaux attachés aux petits poteaux blancs…

Tel fut dans sa simplicité, et sans service de clerc ni de tabellion, l’acte de naissance du rosier de l’église. Pour un temps, on n’en parla plus.