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avaient une dernière fois, et lentement, passé dans son ombre avant de descendre à la terre.

On avait décidé de faire tomber le géant sur le chemin parce qu’il penchait un peu de ce côté et que, au-delà, il n’y avait point de construction. Siméon fit un grand signe de croix que tous les assistants répétèrent et donna le premier coup dans l’écorce. Sans tarder la hache de Jean s’éleva, tournoya, retomba à angle et fit voler dans l’air un gros copeau noir. Les coups répétés se répercutèrent sur la vieille maison, et il sembla aux Hamel qu’elle aussi souffrait dans son âme, qu’elle gémissait, et que tout à l’heure, quand l’arbre tomberait, elle s’effondrerait toute ! La sueur coulait sur les fronts ridés des deux hommes et l’aubel était à peine entamé. Deux autres Hamel vinrent les relayer et le lamentable travail reprit avec une nouvelle vigueur. Les copeaux blonds, dégouttant la sève, étaient maintenant semés partout, sur la route, sur l’herbe, sur les pivoines du pauvre jardin. L’arbre saignait du pied, mais le cœur tenait bon, et la tête, se jouant dans la brise fraîche, chantait toujours la chanson millénaire qui berce dans les nids le peuple des oiseaux. Ils voletaient encore, les oiseaux, insoucieux de la mort qui planait toute proche, sur les petits œufs couleur de ciel !

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