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Cette nuit-là, il ne dormit pas. Marie, comme bien l’on pense, avait tout entendu, et le lendemain, ce fut dans la vieille demeure sans enfant comme une menace de mort planant sur un fils unique. L’homme s’endimancha, attela le blond sur la belle voiture, et descendit au petit trot vers Québec. Quand il revint vers deux heures de relevée, Marie put lire sur la figure de Siméon la sentence du vieil arbre. Elle sortit de la commode ce qu’il faut pour écrire, remua la bouteille d’encre Antoine jaunie par le temps, et sa vieille main tremblante, en quelques lignes laborieuses, apprit aux Hamel — aux vieux — la triste nouvelle et les invita pour une corvée après les semences.



Ce matin-là, le soleil se leva insolemment radieux. La pluie de la veille avait lavé le ciel et donné une voix claire à toutes les rigoles dégorgeant dans le fossé. La rosée brillait sur les pétales rouges des pivoines et une odeur capiteuse venant des haies d’aubépine flottait dans l’air rajeuni.

Dès sept heures, on vit arriver à pied, sa hache sur le dos et suivi de son chien, Jean Hamel, de l’Ormière. Puis une petite charrette à deux roues fit sonner le pontage : c’était Louis Hamel, des