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fable antique ! Le fort est sans défense : pour toute garnison, des vieillards débiles, des femmes affolées, des enfants qui gémissent, deux soldats à demi morts de frayeur qui parlent de faire sauter les poudres. Mais Madeleine est d’un sang magnifique et qui ne connaît pas la peur ! D’instinct, elle prend le commandement de toutes ces faiblesses. « Souvenez-vous, dit-elle à ses deux petits frères, deux bambins auxquels elle vient de donner un fusil, souvenez-vous que les fils des gentilshommes sont nés pour verser leur sang pour Dieu et le Roi ! » Et à l’instant, Excellence, cette fillette de quatorze ans, coiffée d’un feutre à panache, paraît sur le bastion.

— L’aventure, en effet, ne manque pas de pittoresque !… Poursuivez, miss !

— Et Madeleine, avec une décision et une intelligence admirables, organise cette garnison, donnant aux uns des armes, aux autres de la consolation, à tous du courage. Partout à la fois, faisant de-ci de-là le coup de feu pour abattre un Iroquois plus hardi que les autres, elle réussit à persuader aux Indiens qu’ils ont affaire à forte partie. Le jour, la nuit, elle est au poste, et l’on ne peut songer sans émotion à la sublime fillette, seule en ce coin perdu du Nouveau-Monde, à vingt milles de tout secours humain,