Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quatorze ans coiffée d’un feutre à panache, debout sur le bastion, l’arme au bras.

— Il y a déjà deux siècles, Excellence, que l’héroïsme a écrit cette histoire aux bords du Saint-Laurent. La fille de Monsieur et de Madame de Verchères habitait avec ses parents un de ces forts primitifs, simples palissades entourant l’église et les habitations, qui étaient alors les sentinelles avancées de la civilisation française sur ce continent. C’était au temps où l’Iroquois rôdait partout, où chaque buisson pouvant cacher un tigre à face humaine, chaque colon devait être un soldat. À cette rude école, les cœurs se trempaient et dans le danger, les âmes se déployaient comme au vent, les drapeaux.

Or un jour que Monsieur et Madame de Verchères étaient, l’un à Montréal, l’autre à Québec, le cri de guerre des Iroquois éclata à la lisière du bois. En un instant, vingt moissonneurs, surpris sur leurs gerbes sont massacrés et scalpés. Madeleine est sur le rivage. On lui crie : « Sauvez-vous ! » Levant la tête, elle aperçoit, à cent pas d’elle les hideuses figures tatouées. Sans perdre son sang-froid, elle fait volte-face et se précipite dans le fort dont la porte était ouverte.

Et c’est ici, Excellence, que commence vraiment cet incroyable exploit beau comme une