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Le gouverneur passa la main sur son front. Il ne rêvait pas ! Qui avait pu oser ?… Il marcha vers la fenêtre, mit le papier en pleine lumière et relut les mots flétrissants : « Thou liest, Durham ! ». Le soleil se levait là-bas derrière la falaise lévisienne. Une brume blanche traînait sur l’eau noyant encore les mâts, les fines étraves, les quais flottants. Déjà cependant, elle se diluait, se désagrégeait, fuyait par lambeaux et sa déroute affirmait le triomphe prochain du jour, du soleil, de la clarté.

Madeleine de Verchères ? Ce nom n’avait pas encore frappé les oreilles du gouverneur. Qui était-ce ? Et puis, en somme, qui se cachait sous ce nom ? L’idée de rechercher l’audacieux intrus ne traversa qu’un instant l’esprit de Durham. En homme d’esprit, trop raffiné pour ne pas sentir le ridicule de sa position, il était bien résolu à ne pas raconter une aventure où le beau rôle n’était pas le sien. La main inconnue pouvait avoir raison après tout ! L’histoire est peut-être autre chose qu’une longue enfilade de siècles et de crimes, un cliquetis d’armes dans une orgie sanglante ! La survivance de ce peuple simple, de ce lis tombé du drapeau blanc, de cet enfant de France abandonné par sa mère, le bruit de cantique assourdi et très doux que fait sa vie sous ce vaste ciel ne