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cœur d’un grand pays ! Qui sait ce que l’histoire occulte des temps à venir cache en ses grimoires ?…

Soudain, dans le sillon lumineux qui divisait le fleuve, une longue barque surgit, passa et rentra dans l’ombre pendant que le vent du sud apportait au gouverneur un bout de chanson :


Filez ! Filez ! ô mon navire !
Car le bonheur m’attend là-bas !


L’homme sourit légèrement. Tout à son grand rêve il avait oublié que cette terre était française, et voilà que la nuit elle-même le lui redisait, le lui chantait ! Et l’implacable association des idées le ramenait à la politique, à ce travail que, fiévreusement, il élaborait sur cette table de chêne, là, à trois pas. Oui ! l’erreur profonde d’avoir laissé, un siècle durant, cette forte race de paysans latins s’enraciner dans ce sol, britannique de par les armes ! Il n’y a que deux moyens de disposer d’un peuple conquis : l’assimilation par la force ou la parfaite autonomie sous la surveillance large du vainqueur. La solution apportée en ce pays était bâtarde et c’est pourquoi le sang a coulé, et c’est pourquoi les geôles regorgent d’honnêtes bourgeois. Nous leur avons inoculé notre virus parlementaire et liber-