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Le curé avait encore le petit Jean dans ses bras quand Lévesque et son garçon parurent au coin de la grange. Ils rejoignirent l’Oblat qui revenait de l’écurie et tous trois marchèrent vers la maison. De loin, le colon avait reconnu le prêtre. Sans embarras comme sans hâte, ayant planté sa hache dans une souche, il enleva sa casquette et vint serrer la main de son ancien curé.

Lévesque portait un pantalon de couleur indécise qui se perdait aux genoux dans les bottes sauvages retenues par des cordons de cuir. Sa chemise brune était usée, charbonnée ; une casquette informe et terreuse lui couvrait les yeux. Une barbe blonde et rare, longue d’une semaine, ne parvenait pas à masquer son visage, un maigre visage aux traits tombants que les mouches, les horribles petites mouches noires avaient travaillé, gonflant les paupières, tuméfiant le menton et la nuque. Une déviation du cou, assez marquée, accentuait encore, s’il était possible, l’air de détresse de ce masque de souffrance.

Le curé frémit involontairement.

— Mon brave Jean-Baptiste, je suis bien heureux de te retrouver après deux ans. Sais-tu que je m’en viens souper chez toi ?

— Vous aurez un pauvre souper, monsieur le Curé, mais c’est offert de grand cœur. Je suis