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Par ce beau soir de fin juin, une voiture roulait à bonne allure entre les champs semés de souches et de roches fraîchement dénudées par l’incendie. À côté d’un vieux prêtre tout blanc, un Oblat dont le grand crucifix s’allumait par instants, conduisait l’attelage.

La route avait été longue et ils ne parlaient plus, regardant descendre le soleil derrière la ligne des fûts noircis qui hachait l’horizon. Des deux côtés, au pied des saules lustrés, toute la folle végétation de cette fin de printemps jaillissait en feuilles et en fleurs, opposant l’or des populages au rose tendre des églantiers, étendant des colonies jusque sous les pieds des chevaux qui faisaient voler sans bruit derrière eux le sable gris de la route. Plus de vraies maisons aux gaies couleurs, plus de toits à lucarnes, plus de galeries à colonnettes, mais seulement des maisons de bois rond, construites sans autre outil que la hache, simples structures formées de billes équarries sur deux faces et engagées en queue d’aronde.

— Nous approchons, monsieur le Curé.

— Tant mieux, Père, il me tarde de serrer la main de ce pauvre Jean-Baptiste !… Vous ne le connaissez pas personnellement ?…

— Non, monsieur le Curé.

— Il vous surprendra au premier abord : il n’est pas bel homme et de plus, le travail et la