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ils purent pour recevoir la bénédiction du vieillard dont les paroles montaient douces et ouatées comme son haleine dans cette froide atmosphère de janvier. Une dernière poignée de main. Les grelots sonnèrent et la voiture partit laissant deux traces brillantes sur la neige durcie. Un long moment le curé suivit des yeux l’attelage qui emportait de Saint-Hilaire, Jean-Baptiste Lévesque et sa famille. Puis, à pas lents, il rentra chez lui, repassant dans son esprit les circonstances de ce triste exode.

Beaucoup de misères, hélas ! empoisonnent la vie en ce monde mauvais, mais, vraiment, celle-là dépassait la mesure !

Jean-Baptiste cultivait depuis quinze ans le bien des Lévesque dans le rang des Quarante, tout au pied de la montagne de Belœil. Le père, le vieux Lévesque, depuis longtemps réduit à l’impuissance, habitait avec lui. Jean-Baptiste le soignait avec dévoûment tout en faisant valoir de son mieux l’alluvion caillouteuse de son lot et le beau verger dont le produit formait le plus clair de son revenu. Malgré l’absence de papiers notariés, Jean-Baptiste était pour tous le vrai propriétaire, car, un jour, à la suite d’une querelle avec le père, Honoré, l’aîné, avait pris la route des États. On n’entendit plus parler de lui jusqu’au moment où le vieillard baissant graduelle-