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richesse. L’on travaille dur contre la terre et contre la souche, le vent d’hiver est terrible et secoue les maisons à les faire écrouler, mais il y a toujours un bon feu dans le poêle et dans l’armoire un bon morceau de pain !

— Madame, dit-il à la femme qui se levait, surprise, je suis un colon du Nord, et l’on m’a dit de décharger ici mon voyage d’érable.

— Mais, répondit celle-ci qui ne s’expliquait pas bien…

— Oui, vous n’en avez pas acheté, n’est-ce pas ? Je comprends, ajouta-t-il en jetant un regard triste autour de lui. Mais voilà ! Nous autres, les défricheurs du Nord, nous sommes pauvres aussi, mais nous ne manquons de rien dans le nécessaire et, moi pour un, j’ai voulu cette année que ceux qui sont moins heureux que moi, sachent, au jour de l’an… de quel bois se chauffe le père Jacques Maillé de la Rivière-à-Gagnon.

Et fier de son bon mot le visage du vieux s’éclaira d’un bon sourire qui était comme une fleur oubliée par l’automne dans un jardin flétri.

Aux dernières paroles, la femme, devenue toute pâle, avait fait un pas en avant, et elle ouvrait la bouche quand la porte livra passage à un homme grand et maigre dont les yeux cernés brillaient sous des sourcils noirs. Le paletot râpé, les