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enfin devant une petite maison basse et cagneuse, une cabane plutôt, lambrissée de vieilles tôles lépreuses, dont le toit laissait dépasser un bout de tuyau qui ne fumait pas. De l’unique fenêtre, où manquaient des carreaux, jaillissait un prisme de lumière pâlotte où tournoyaient les flocons de neige qui commençaient à tomber. Afin d’avoir les mains libres pour décharger, Jacques noua son fouet à sa ceinture, releva un peu le bord de sa tuque et frappa.

— Entrez ! répondit une voix de l’intérieur.

L’homme appuya sur la clenche de fer, et comme la porte s’ouvrait, Jacques, saisi par la soudaine apparition de la misère, se découvrit et resta muet. La tête protégée par un châle, pelotonnée dans un pauvre manteau, une jeune femme, assise sur une boîte — il n’y avait pas de chaises — serrait contre elle un paquet de haillons d’où émergeait vaguement une tête d’enfant. Un bambin de deux à trois ans, tragique comme la faim et le froid, toute la jeunesse de son petit visage abolie par la souffrance, s’était réfugié derrière elle à l’entrée de l’inconnu. Pas de feu dans le petit poêle à fourneau, et pas de trace de bois autour. Sur une corde tendue dans un coin quelques langes pendaient raidis et glacés. La misère noire !…

Le cœur du vieillard s’émut. Dans les forêts du Nord, le besoin est chose aussi inconnue que la