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la fermeture prématurée de la navigation fluviale a jeté les pauvres de Montréal, le Curé Labelle est fier de présenter les deux cents traîneaux chargés du bois de la charité !

Ce fut un beau soir pour les miséreux ! Tous les colons reçurent un billet portant l’adresse d’une famille indigente et se dispersèrent au milieu des cris, des interpellations et du babil tintinnabulant des grelots.

Jacques Maillé ne connaissait guère la ville n’y étant venu qu’une seule fois dans sa vie. Aussi fit-il monter auprès de lui un gamin amené là par la curiosité et tout fier de grimper sur une voiture d’habitant sans risquer un coup de fouet.

Le traîneau enfila la rue Notre-Dame et prit avec précaution, au travers des voitures de charge et des chars à chevaux, la direction du faubourg Québec. La petite jument noire avait bien un peu les oreilles dans le crin au milieu de ce tapage et de tant de choses nouvelles, mais c’était une brave bête, pas gesteuse, et elle fit bonne contenance. Sur l’indication du garçonnet, Jacques remonta la rue Shaw, aujourd’hui la rue Dorion, et après quelques arpents s’engagea dans une ruelle étroite et noire. Ce devait être par là ! Le vieux frotta une allumette et fit relire le numéro par son jeune guide, qui, pour la première fois, ressentit quelque orgueil de son instruction primaire. Il s’arrêta