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de l’érable. Partout on lui faisait fête et de nouveaux traîneaux s’ajoutaient. Enfin, vers cinq heures, les colons du Nord firent leur entrée dans Montréal par la rue Saint-Laurent. Les réverbères s’allumaient et la cessation du travail commençait à peupler la rue. Une foule compacte, grossie par une escorte de gamins, s’amassa bientôt des deux côtés. Curieux spectacle vraiment que ces robustes gaillards à qui les petits glaçons faisaient des moustaches mérovingiennes, ces chevaux blancs de frimas, cette symphonie naïve des grelots qui disaient à leur façon : « Venez les pauvres, voici du bois ! Venez, les pauvres, voici du feu ! »

La voiture de tête attirait surtout l’attention et le Roi du Nord, aussi heureux qu’un triomphateur de Rome, recevait les applaudissements et les saluts et remerciait du fouet. Sur le Champ-de-Mars on s’arrêta, et le curé Labelle harangua le Maire et les échevins réunis pour recevoir la députation des colons du Nord. Derrière lui se pressaient ses chers grands enfants, et il plaida magnifiquement la cause de ces pionniers de la race qu’il ne faut pas abandonner, parce que dans leurs veines coule le plus pur sang de chez nous, à qui il faut fournir les moyens de communiquer avec leurs frères, pour qui enfin il veut que l’on construise le chemin de fer du Nord. Eux, les colons, n’oublient pas leurs frères malheureux, et dans la détresse où