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devant l’église et dans les cours des maisons. Les chevaux, des pompons rouges aux œillères, sentaient la litière et leurs naseaux fumaient dans l’air glacial. La tuque sur les yeux, les hommes circulaient pour se réchauffer autour des traîneaux à ridelles chargés de rondins d’érable. Sur la belle écorce couleur de vieil argent, sur les sections blondes étoilées de moelle, de petits glaçons perlaient, où le soleil, par instant, allumait des éclairs.

Tout à coup, la cloche de l’église s’ébranla, puis sonna à toute volée, secouant sa joie dans l’air pur ; à ce moment, sur le seuil du presbytère, casqué, encapoté, la pipe aux dents, le curé Labelle parut entre ses marguilliers. Les hommes saluèrent d’un vigoureux hourra ! sautèrent sur leur voyage, ramenèrent les guides, et le tintamarre follet des grelots répondit au salut du clocher.

Le curé prit place avec son ami Jules-Édouard Prévost sur une énorme charge tirée par quatre chevaux blancs. Sur la pile de bois, en fortes majuscules, se lisaient, inscrits sur un coton, les mots suivants : « Les colons du Nord ». Les fouets claquèrent et au milieu des cris et des appels la caravane s’ébranla. Jacques Maillé, seul vieillard de toute la corvée, venait après le curé, menant sa jument noire qui, seule, — la chose