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PRÉFACE

cheurs, ces clochers dont nous sommes fiers et qui s’effilent sur la paix des villages comme de sveltes sentinelles de notre foi latine.

Et comme un défi aux dénigreurs d’une littérature autochtone, à ceux qui chez nous se gaussent du désir de trouver dans nos poètes ce reflet du pays, il ne craint pas, plus admirateur du geste d’un Mistral, d’un Harel ou d’un Vermenouze, qu’attentif à l’art moins fait pour nous, bien que subtil, de nos frères exotiques, d’offrir à sa terre natale une louange nouvelle. Magnifique, sa foi se promène sur nos chemins, salue la glèbe et nos maisons. L’intime pays, il l’écoute chanter, parler, prier, pour extraire de ses paroles, de son rire ou de sa plainte la trame de ses livres. Il se fait par une attentive sympathie, proche des siens, surprend leurs façons de souffrir et d’aimer dans leurs gestes familiers. Il est le regardeur dont la joie discrète est d’extraire de la pénombre de l’anonymat le poème incompris de la vie canadienne.

L’avenir littéraire, pour nous, il le voit dans la compréhension même de l’obscure épopée que nous donne à écrire la Providence dans cette Amérique encore sombre de forêts et mugissant un reste de virginité sauvage par le clairon de son éternel Niagara. L’Inspiration canadienne, elle attend du poète d’être provoquée avec un cœur simple et croyant jusque dans la mélancolie des solitudes. Lui, près des flots, dans les bois, sur le front de la Terre farouche, il l’a trouvée grave et riche du rythme humain et du murmure des choses. Et son geste fier est une incitation discrète aux timides à aller boire aux sources du Canada, à chasser l’image neuve en Laurentie, à dégager de leurs rêveries champêtres, de leur rêve en forêt ou dans les villes, une poésie vierge d’interprétation pour des chants nouveaux.