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timide intervention maternelle s’était trouvée impuissante devant ces deux volontés d’homme tendues l’une contre l’autre comme les chevrons de la grange. Il s’était dit de ces paroles qui creusent un abîme entre les âmes, et la querelle avait fini comme ça finit toujours ! Arthur avait quitté la table, ramassé en hâte ses pauvres hardes, chaussé ses raquettes, et sans dire un mot de plus, sans l’embrasser, elle, la mère, sans regarder en arrière, il s’était enfui dans la direction de Saint-Jérôme. Au matin, la terre comptait un enfant de moins, dont la neige achevait d’effacer silencieusement les traces. Depuis ce jour de malheur, nul n’avait entendu parler d’Arthur Maillé, le gars à Jacques, de la Rivière-à-Gagnon.


… il s’était enfui dans la direction de Saint-Jérôme.

À ce souvenir cuisant évoqué durant cette belle nuit de Noël où les angelots roses glissent dans l’air pur allant porter par-dessus les bois et les montagnes, par-dessus les lacs, et jusque sous l’abri du plus pauvre colon, la paix promise à la bonne volonté, des larmes coulèrent des pauvres yeux maternels et, saisies par le froid, se congelèrent au creux des rides dont elles connaissaient si bien le chemin. Courbés sur leur peine, ni lui ni elle ne dirent plus rien, et, cette nuit-là, il n’y eut pas de réveillon chez Jacques Maillé, de la Rivière-à-Gagnon.

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