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d’énormes érables, respectés par les premiers colons, formaient une voûte impénétrable au-dessus des ornières. En remontant un peu, les habitations se distançaient et la rue, continuée par le cordon, venait buter sur la première croupe des Laurentides sans fin. Mais déjà le vaillant apôtre se penchait sur son œuvre, pénétrait ces régions fermées, entrevoyait leurs possibilités futures, et, nuit et jour, sous le vaste front volontaire, se construisait le chemin de fer du Nord, condition de la mise en valeur de cet immense pays.

C’est la nuit de Noël. Dans la petite église de Saint-Jérôme, la messe de minuit est terminée. Les portes basses dégorgent sur le perron glissant la foule des habitants en capots d’étoffe, des femmes enveloppées de gros châles et des enfants un peu étourdis par l’imprévu de l’heure, de la lumière et des vieux cantiques.

Jacques Maillé avait rangé sa carriole près du banc de neige de l’autre côté du chemin, et, tout en disposant la robe de fourrure, le vieux tirait de sa pipe de profondes bouffées. Tenue sous le bras par un robuste gars d’une vingtaine d’années, une vieille s’avança, un gros livre de messe dans sa main ridée.